[Français] Le jardin compte parmi les plus anciennes
créations de l’homme. La Bible le présente comme le berceau de
l’humanité, et la plupart des religions lui font une place dans
leurs mythes des origines. Il pourrait, en raison de son grand âge,
revendiquer une place d’honneur dans notre panthéon culturel ; mais
il n’en fait rien car la prétention n’est pas son fort. Il peut
apparaître dans un fond de cour qu’il égaie de quelques marguerites,
ou à côté d’une petite ferme, sous la forme d’un carré de légumes,
et ceci ne l’empêche nullement de se parer de broderies magnifiques
pour installer un palais dans son paysage. Véritable Protée, il nous
étonne par ses perpétuelles métamorphoses, et pourtant il reste
toujours dans son rôle qui est de nous inviter à reprendre contact
avec la nature et de nous laisser aller au pur plaisir d’être en sa
compagnie.
Entendons-nous bien sur ce qu’on appelle des choses
simples ; on peut être simple quand on reste le plus près possible
de la nature : dans le potager d’une ferme, une belle salade, un
beau dahlia sont à leur place, et c’est bien ainsi. Mais le jardin
blanc de Sissinghurst, simple lui aussi, est une tout autre affaire.
Sachant que dans la campagne une fleur blanche surprend par sa
pureté presque insolente, Victoria Sackville-West a transposé cet
effet et elle l’a intensifié en le multipliant dans un espace clos.
Qui aime la nature dans sa simplicité première appréciera toujours
ce genre de création : le jardinier-paysagiste prend la fleur pour
ce qu’elle est mais en même temps, il la transcende par son travail
d’artiste. Et ce travail est tout aussi difficile que celui de
l’architecte et que celui du peintre auxquels il s’apparente de
différentes façons.
Prenons le peintre. Déjà à Pompéi, des bouquets
étaient peints à fresque sous les portiques qui menaient au jardin ;
leurs couleurs fraîches sont restées sur les murs quand le Vésuve a
pétrifié la ville au premier siècle de notre ère. Au Moyen Âge, le
pré fleuri que l’on retrouve dans les tapisseries, déroulait son
gazon délicat sous les pas des seigneurs et des trouvères ; les
jardins réguliers de la Renaissance et de l’âge baroque s’ornaient
de broderies multicolores qui font toujours le charme de Villandry,
de Versailles et de tant d’autres jardins de cette époque ; quant
aux jardins paysagers qui se répandirent dans toute l’Europe, ils
mirent la peinture à l’honneur plus que tous les autres. « Peignez
quand vous plantez ! » disait Pope, le plus éloquent peut-être des
partisans d’un style alors nouveau ; et de fait, il suffit de se
promener à Stourhead, en Angleterre, pour voir combien l’importation
d’essences étrangères, américaines notamment a permis de varier la
« palette » du paysagiste. Et que dire des grands jardins des deux
siècles derniers dont les corbeilles de fleurs et les mixed-borders,
au Bois des Moutiers, à Apremont et ailleurs dans le monde se sont
souvent inspirées des instructions de Chevreul, le chimiste
théoricien de la couleur qui fut aussi l’autorité scientifique des
Impressionnistes, Monet en tête. Et Monet, faut-il le rappeler, n’a
cessé de modeler, de planter et d’orner Giverny pour le peindre
pendant plus de vingt ans.
Le mot même de modeler nous rapproche de
l’architecte. Il nous rappelle que pendant longtemps ce sont les
architectes qui ont dessiné les jardins, et qu’aujourd’hui encore le
titre d’architecte-paysagiste est celui que l’Etat décerne aux
étudiants qui se destinent à la création des jardins . Remarquons à
ce propos que l’anglais dit landscape gardener, jardinier
paysagiste et non architecte paysagiste, sans doute cause des
différences entre les grandes traditions de nos deux pays, l’une
très attachée à Le Nôtre et à ses jardins solidement structurés,
l’autre à Brown qui lui, suivait le précepte de Pope. Mais Brown,
lui-même, et avec lui tous les paysagistes du XVIIIe° siècle, ont
largement modelé leurs jardins. Tout en jetant l’anathème sur les
formes géométriques, ils ont barré des rivières pour obtenir des
lacs, éclairci des bois, déplacé des rochers, ménagé des cascades et
tout cela pour que la nature soit enfin elle-même.
La nature...voilà le grand mot lâché, celui qui
distingue radicalement le paysagiste du peintre et de l’architecte.
Le jardin se recompose sans cesse dans le temps ; il vit à ciel
ouvert et cousine avec le paysage ; il ne s’entend bien qu’avec ceux
qui connaissent son sol, son exposition, ses ressources en eau, les
végétaux qu’il accueille ; il leur demande d’anticiper sur ce qu’il
va devenir dans un an, dans deux, dans dix, dans vingt. En échange
de tant d’exigences, il offre de devenir un lieu comme nul autre, un
lieu où l’on est dehors et pourtant chez soi, un lieu de solitude et
de compagnie, un lieu qui change sans cesse tout en demeurant
lui-même, bref, un lieu qui nous ressemble. Sortir au jardin, c’est
entrer en nous-mêmes. Dangeau raconte que Louis XIV faisait de
longues promenades autour de Trianon, même par grand froid, dans le
brouillard, et alors qu’il était déjà vieux. Rousseau, avec sans
doute d’autres pensées en tête, traversait le parc d’Ermenonville
pour aller méditer devant le grand étang du Désert. À Suzhou, dans
la basse vallée du Yang-Tse, que soit au Wangshi Yuan ou au Zhuo
Zheng Yuan, sous les Ming ou sous les Qing, le sage se dirigeait
vers tel ou tel pavillon selon l’heure du jour ou l’aspect de la
Lune afin d’accorder ses pensées et son humeur avec l’aspect des
lieux.
Ce qui nous captive le plus, dans la relation
privilégiée que nous entretenons avec les jardins, c’est la capacité
que nous avons en commun de conserver notre identité au travers de
changements constants. Et même d’entrer de plain-pied dans
l’histoire pour trouver le repos dans la longue durée. Tout en
tressaillant au moindre coup de vent, un jardin peut incarner une
image de l’Italie au temps des Médicis, de la France du Roi Soleil
ou de la Rome impériale. Retrouver cette image est un plaisir
intellectuel qui donne de la substance à nos impressions de touriste
et qui enrichit nos souvenirs de voyage. Les jardins se lisent à
livre ouvert et leur sens apparaît à qui connaît leur histoire. À
Stourhead, tous les guides nous diront que le jardin fut créé
par Samuel Hoare, un banquier de Bristol et ils mettront l’accent sur
les nombreuses allusions à l’Éneide que l’on trouve ici et là
dans la statuaire et dans les fabriques ; ils ajouteront peut-être
que Turner a fait plusieurs vues des lieux dont une du magnifique
Panthéon dont le portique blanc se reflète dans les eaux sombres du
lac. Si nous en savons un peu plus, nous pourrons ajouter que le
souvenir du fils de Samuel Hoare plane encore sur les lieux ; jeune,
brillant, cultivé, il portait les espoirs de sa famille comme Enée
avait porté ceux de Rome, et il partageait avec son père une passion
pour Claude Lorrain. Parti pour l’Italie en quête de tableaux du
célèbre paysagiste, il fut victime d’une épidémie de peste et ne
revint jamais. Samuel Hoare, inconsolable, emprunta le dessin du
Panthéon à « L’Arrivée d’Enée à Delos », un tableau du peintre
français qu’ils aimaient tous les deux. Le malheur qui avait frappé
cette famille trouva ainsi un écho douloureux mais serein dans le
grand calme de la nature.
L’histoire des jardins, on le verrait aussi à
Sanspareil et à Schwetzingen, n’est pas toujours simple mais elle
ajoute beaucoup au plaisir intellectuel qu’ils nous donnent. Elle a
été marquée en Europe par deux traditions qui remontent à
l’Antiquité. Les Romains qui avaient toujours connu l’hortus,
le jardin clos de leur époque héroïque, l’opposaient aux parcs que
leurs généraux mettaient à la mode en rentrant de leurs campagnes en
Orient. En réussissant à marier ces deux traditions, Cicéron, Pline
et bien d’autres ont créé une forme d’art originale qui est parvenue
à respecter le caractère rural de leurs domaines, tout en les
embellissant par des statues et par des végétaux taillés – c’était
le travail du topiarius, maître dans l’art que nous appelons
topiaire -, et tout en ménageant, depuis leurs bâtiments et
depuis leurs portiques, des vues sur le paysage environnant. Ces
trois caractéristiques se retrouvent dans cette merveille
d’équilibre qu’est le jardin italien de la Renaissance, tel que nous
le voyons aujourd’hui à Castello Ruspoli, à la villa Gamberaia, ou
dans les jardins français qui en sont dérivés, Ambleville par
exemple.
Les Européens ne sont pas les seuls à avoir fait des
jardins. Nous voyageons beaucoup aujourd’hui et nous en voyons
d’autres qui ne doivent pas grand-chose à Rome et à la Grèce. Il est
certain en effet que la Chine, le Japon et l’Islam ont développé
leurs propres formes de culture dans ce domaine. Encore faut-il
distinguer. L’Islam est moins loin qu’on ne pense de l’héritage
gréco-romain ; des traductions faites par les califes de Bagdad aux
IXe, Xe, XIe siècles ont familiarisé les savants de l’époque avec
les géomètres grecs et avec les agronomes romains. Les formes
strictes du jardin islamique, le calcul subtil des pentes pour faire
tinter l’eau, l’architecture aérienne des superbes pavillons que
l’on voit à Grenade, en Inde du nord ou en Perse, à Bagh-e Fin par
exemple, tout cela doit quelque chose à Euclide, à Thalès, à
Vitruve, et l’Européen s’y sent en pays de connaissance.
En revanche la Chine et le Japon demandent un
véritable effort de transposition intellectuelle. Nous sommes ici
dans un monde à la fois très moderne et très ancien. Très ancien
parce que la géomancie y tient une large place et que l’omnipotence
de la géométrie ne s’y est pas fait sentir, mais en même temps très
moderne pour cette raison même. L’écologie, en nous sensibilisant à
une approche plus fine et plus sensible de la vie de la nature, en
nous familiarisant avec les écosystèmes, nous incline à considérer
la nature autrement que comme une matière soumise que le bulldozer
travaille à pleine pelle. Le Land art et ses subtiles constructions
minérales est finalement très proche de l’art du jardinier d’Extrême
Orient qui laisse les racines d’un très vieil arbre construire un
écheveau de parcours aléatoires. Il suffit de se promener à Suzhou
ou à Kyoto pour se persuader que nous avons beaucoup à apprendre de
cette façon de laisser parler la nature et de dialoguer avec elle.
Évoquer les différentes traditions qui ont fait des
jardins de la planète ce qu’ils sont aujourd’hui, nommer les plus
représentatifs d’entre eux c’est faire en raccourci le grand voyage
auquel nous convient Alain Le Toquin et Jacques Bosser dans les
pages qui suivent. Hommes du XXIe siècle, ils savent bien que les
temps ne sont plus où l’on découvrait des grands jardins inconnus,
où François Bernier, envoyé de Colbert en Inde, s’extasiait devant
le Taj Mahal (alors tout juste achevé), où Pierre Loti décrivait
l’Impératrice du Japon parmi ses dames d’honneur, longeant près du
palais un étang qui reflétait « en longues traînées adoucies , le
violet et l'orange, le bleu et le jaune, le vert et le pourpre de
leurs toilettes de fées ». Ils savent bien qu’aujourd’hui,
l’Extrême-Orient est accessible en une nuit d’avion et que nous
disposons de matériel photographique pour ramener des images à
domicile et revoir sans effort des merveilles que seuls les
écrivains décrivaient autrefois.
Les images essentielles ce sont celles qui révèlent
l’être d’un lieu et l’expression qui s’en dégage. Elles sont aux
jardins ce que les portraits sont au visage : elles captent le
moment où ils sont le plus eux-mêmes, le moment que nous voulons
prolonger. Nous sommes ainsi faits que nous aimons revivre l’instant
où le sentiment du beau nous a pénétrés. « That strain again »,
« Rejouez ce passage » dit Orsino aux musiciens dans La Nuit des
Rois de Shakespeare.
Sachant
qu’ils mettraient sous les yeux du lecteur les images essentielles
des grands jardins et les textes qui en prolongent l’impact, Alain
Le Toquin et Jacques Bosser ont cherché à faire plus encore. Ils
nous montrent et nous décrivent des jardins moins connus parce
qu’ils demeurent hors des circuits les plus fréquentés ou parce
qu’ils sont très récents. Il y a bien sûr ceux d’Iran, mais aussi
l’étonnant Titoki Point garden en Nouvelle-Zélande et le non moins
étonnant jardin de cyprès chauves de Charleston en Caroline du Nord.
Et il y a aussi deux jardins magnifiques des grands
paysagistes de notre temps : Little Sparta et Portrack House, tous
deux dans le nord des Iles britanniques. L’un est un manifeste d’art
concret où les sculptures et les inscriptions trouvent des accents
humbles, tranchants, poignants, dans les profondeurs d’un mystérieux
bosquet et dans les vastes horizons des Pentland Hills ; l’autre est
un monument-poème savamment composé par un théoricien de
l’architecture qui inscrit les concepts de la physique et de la
génétique contemporaines dans les formes de la nature.
Ce livre est un voyage dans le temps, un voyage sur
toute la planète. C’est celui des jardins du monde.
Michel Baridon, 2004 |
[English] The garden is one of
the most ancient of man's creations. The Bible presents it as the
cradle of humanity, and in most religions a garden is an important
part of the story of Creation. Because of their history, gardens
deserve a place of honor in our cultural pantheon, but they have no
such pretensions. A backyard brightened by a few daisies or a modest
vegetable patch is as much a true garden as an intricate formai
design that graces the landscape surrounding a palace. A veritable
Proteus, the garden surprises us with its perpetuai metamorphoses,
and yet it steadfastly maintains its traditional role, which is to
invite us to experience nature and to bid us enter for the pure
pleasure of being in its company.
Let us understand clearly what
we mean by simple things. One can be simple when one lives close to
nature; the farmer's vegetable garden, a lovely salad, a perfect
dahlia have their place, and this is as it should be. But the White
Garden of Sissinghurst Castle, an entirely different affair, is also
simple. Realizing that in the country a white flower takes one by
surprise with its brilliant purity, its creator, Vita
Sackville-West, intensified this effect by multiplying it within an
enclosed space. Those who love the simplicity of nature in the wild
will always appreciate this type of creation. The landscape gardener
takes the flower for what it is but at the same time transcends it
through their work as an artist. This difficult work is similar to
that of the architect or the painter, but with different materials.
Take painting and the decorative
arts. In Pompeii, flower bouquets were painted under the porticoes
that led to the garden; their fresh colors were preserved on the
walls when Mount Vesuvius buried the city in the first century A.D.
In the Middle Ages, fields of wildflowers pictured in. tapestries
spread a delicate lawn under the feet of lords and troubadours, and
the ornate embroideries of the Renaissance and the Baroque era were
decorated with colorful flowers and formai plantings reflecting the
charm of Villandry, Versailles, and so many other gardens of the
period. As landscape gardening spread throughout Europe, painting
was honored above ail the other arts. "Paint when you plant!" cried
Alexander Pope, the most eloquent partisan of the new style. In fact,
one has only to take a walk through Stourhead, in England, to see
how much the importation of foreign flora, notably those from the
Americas, has varied the palette of the landscaper. And what can one
say of the great gardens of the last two centuries whose baskets of
flowers and mixed borders, at the Bois des Moutiers, Apremont, and
elsewhere, were so often inspired by the instructions of Chevreuil,
the French chemist and color theorist who was also the scientific
authority for the Impressionists, especially Claude Monet. And
Monet, we must remember, never ceased shaping, planting, and
decorating Giverny in order to paint it over a period of more than
twenty years.
For a very long time, the work
of designing gardens was given to architects. Even today in France
the title of landscape architect (architecte paysagiste) is given to
students who pursue a career in garden design, whereas in England
the preferred term is landscape gardener. This discrepancy came
about because of differences in the great traditions of the two
countries, the former very attached to Andre Le Nôtre and his
carefully structured gardens, and the latter to Lancelot ("Capability")
Brown and the natural principles expressed by Alexander Pope. But
even Brown and other landscapers of the eighteenth century shaped
their gardens according to carefully drawn plans. Rejecting formai,
geometrie forais, the English landscapers dammed rivers to create
ornamental lakes, opened up the woods to allow light, moved great
rocks, set up waterfalls, and ail this to represent nature as it
actually is.
Nature - that is the word, the
one that distinguishes the landscaper from the painter and the
architect. The garden continually rebuilds itself with the passage
of time. It lives under the infinite sky and claims kinship with the
surrounding landscape; it gets along well only with those who know
its soil, its orientation, its water sources, and the plants it
favors. The garden asks these designers to look ahead to what it
will become in a year, in two, ten, or twenty years. In exchange for
so many demands, it offers to become a place like no other, a place
where one is outdoors yet at honte; a place of both solitude and
company; a place that ceaselessly changes but always remains itself.
In short, the garden is like us. To go into the garden is to enter
into ourselves. Philippe de Dangeau recounted in his memoirs that
Louis XIV used to take long walks around the Grand Trianon, even in
severe cold or in fog, even when he was an old man. Jean-Jacques
Rousseau, who was a very different individual, used to cross
Ermenonville Park to meditate by the Desert de Retz. At Suzhou, in
the deep valley of the Yangtze river-whether at Wangshi Yuan or at
Zhuo Zheng Yuan, under the Ming dynasty or the Qing-the sage would
make his way to a particular pavilion according to the hour of the
day or the aspect of the moon in order to harmonize his thoughts and
feelings with the appearance of the garden.
What is most striking with
regard to the special relationship we have with gardens is our
common ability to retain our identity through years of constant
change. Thus we can walk directly into the past to rest from the
long day. A garden will assume its place in the Italy of the Medicis,
in the France of the Sun King, or in Imperial Rome. To experience
these images is a great intellectual pleasure that gives substance
to our memories of a voyage. For those who know their history,
gardens read like an open book. At Stourhead the guides will tell us
that the garden was created by Henry Hoare II, a banker from
Bristol, and they will emphasize the many allusions to the Aeneid
that one fmds here and there among the statuary and in the little
garden buildings. They may also add that the great landscape artist
J. M. W. Turner painted several scenes at Stourhead, including the
magniflcent pantheon, whose white portico is reflected in the dark
waters of the lake. If we knew a little more, we could add that the
memory of Henry Hoare's son still inhabits these grounds. Young,
brilliant, and cultivated, he carried the hopes of his family as
Aeneas carried those of Rome, and he shared the enthusiasm of his
father for the paintings of Claude Lorrain. He sailed to Italy in
search of more works by the famous landscape painter but fell victim
to an epidemie of plague and never returned. His inconsolable father
borrowed the design of Stourhead's pantheon from Claude's painting
Landscape with Aeneas at Delos, a work by a French painter they had
both loved. The tragedy that struck this family still finds a sad
echo in the great stillness of nature.
The history of gardens is far
from simple, as the stories of Sanspareil and Schwetzingen
demonstrate, but complexity adds much to the intellectual pleasure
that the gardens provide. In Europe this history stems from two
traditions that have their roots in classical antiquity. The first
was the enclosed garden the Romans had cultivated, the hortus; the
second and opposing style was the garden park, which was made
fashionable by Roman generals returning from their campaigns in the
East. In marrying these two traditions, Cicero, Pliny, and many
others created an original art form that came to value the rural
character of their estates while embellishing them with statues and
plants that were cut and trimmed in a technique called topiarius,
what we know today as topiary. The Romans accomplished all this
while carefully creating the best views of the surrounding
countryside from their villas and their porticoes. One finds these
characteristics in marvelous balance in. the Italian Renaissance
gardens, such as those we see today at Castello Ruspoli and Villa
Gamberaia, or at the French version, Ambleville.
Europeans were not the only ones
to create gardens. Today, people who travel widely can experience
gardens that owe little or nothing to Greece and Rome. China, Japan,
and the Middle East developed their own cultural forms. However, the
gardens of Islam are not as far removed from Greco-Roman culture as
one might assume. The translations made by the caliphs of Baghdad in
the ninth, tenth, and eleventh centuries familiarized the scholars
of the era with Greek geometry and Roman agronomists. The strict
forms of the Persian garden - the careful calculation of slopes to
create the tinkling of running water, the aerial architecture that
one sees in Granada, Spain, in northern India, in Persia, or in Bagh-e
Fin, for example - all owe something to Euclid, Thaïes, and
Vitruvius. One senses the familiar and feels at home in foreign
lands.
To understand the gardens
of China and Japan, on the other hand, one must adapt intellectually
to their creation and their significance. You feel as if you are in
a place both ancient and modern - ancient because geomancy plays a
very important role and because one cannot feel the power of
geometry, although that is, ironically, what makes Asian gardens
seem modern to us. By imparting an awareness of a more thoughtful
and sensitive approach to nature, and in teaching us the complexity
of its Systems, the ecology of the Far East compels us to consider
nature in its own right, not as a material to be molded to our will
by a bulldozer or an asphalt spreader. The new Land Art and its
subtle constructions are close cousins to the art of the Far Eastern
gardener, who might leave the tangled roots of an ancient tree to
create their own wild path. Taking a walk through the gardens at
Suzhou or Kyoto is enough to convince us that we have much to learn
from this way of living with nature and letting nature speak for
itself.
To recount the different
traditions that have made the gardens of the world what they are
today, and to highlight the most representative among them, is to
take an armchair tour through the pages that follow in the capable
hands of Alain Le Toquin and Jacques Bosser. We of the twenty-first
century know well that the time for discovering great, unknown
gardens belongs to the past, as when François Bernier, the envoy of
Jean-Baptiste Colbert in India, marveled at the sight of the newly
built Taj Mahal, or when Pierre Loti described the empress of Japan
walking with her ladies-in-waiting at the edge of a pond that
reflected "in long, soft streaks the violet and the orange; the blue
and the yellow; and the green and the purple of their fairy
costumes." We also know that the Far East can be reached in a single
day by air, and that we have the means to capture and bring back
home the images that in former times could be conveyed only by the
writer's pen.
The essential images of a garden
are those that reveal the spirit of the place and its meaning. These
pictures are to gardens what portraits are to people: they capture
the moment when they are most themselves, the moment they wish to
prolong. People love to relive the beautiful moment or the feeling
they have just discovered. "That strain again," says Orsino to the
musicians in Twelfth Night.
Alain Le Toquin and Jacques
Bosser also take us to gardens that are less well known because they
are off the beaten path or because they have been created only
recently. These include, of course, those of Iran, the stunning
Titoki Point Garden of New Zealand, and the gardens of bald cypress
in Moncks Corner, South Carolina. Here as well are represented two
magnificent gardens of very recent vintage: Little Sparta and
Portrack House, both in Scotland. Little Sparta is a manifeste of
art in which sculpture and inscriptions radiate both humble and
trenchant meanings in the mysterious woods and thickets of Pentland
Hills. The other, Portrack House, is both a monument and a story
cleverly composed by an architectural theorist who expresses the
contemporary concepts of physics and genetics in the forms of
nature.
This volume is a voyage into
time, and a voyage around the planet. Let us go then to the gardens
of the world.
Michel Baridon, 2004
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