Mon travail sur les
jardins du monde
couvre tous les styles et toutes les époques du jardin, privilégiant
l’expression artistique – l’art
des
jardins – à travers des lieux où « la plante apparaît plus au
service du jardin que le jardin n’est au service de la plante ».
Il m’a conduit à
visiter des centaines de jardins à
travers vingt-trois pays répartis sur les cinq continents.
J’ai ainsi vécu
le luxe inouï de parcourir la Terre pour visiter selon mon choix,
souvent longuement et parfois à plusieurs reprises, des jardins,
célèbres ou non, publics ou privés, souvent majeurs dans leur
thématique.
Au terme parfois
de longues négociations, j’ai pu y travailler tout à mon aise,
c’est-à-dire en toute liberté, ayant gagné l’intérêt et la confiance de
mes hôtes. Dans des conditions souvent idéales, ayant le sentiment d’y
« être un peu chez moi » puisque libre d’y aller et venir. Présent très
tôt et très tard en journée, étant ainsi souvent le premier arrivé et le
dernier parti. Travaillant « dès l’aube, à l’heure où blanchit la
campagne » et reprenant à « l’heure tranquille où les lions vont
boire », pour reprendre les célèbres images de Victor Hugo.
Le format
panoramique est particulièrement adapté pour révéler l’aspect
architectural des jardins. Plus que par la botanique, mes cadrages ont
donc été inspirés par le souci de traduire des mises en scènes et des
harmonies (formes, couleurs, lumières).
De façon assez
déconcertante, photographier un jardin, où qu’il soit dans le monde,
répond toujours aux mêmes impératifs. Il faut d’abord connaître le mieux
possible à la fois les lieux (chemins, perspectives, etc.) et la course
du soleil qui met en relief selon les heures ou les ciels telle ou telle
partie du jardin. La qualité de chaque prise de vue obéit à certaines
conditions découvertes au fil des jours. De fait, j’ai souvent eu le
sentiment dérangeant qu’il aurait mieux valu être déjà présent depuis la
veille, ou bénéficier d’une lumière médiocre permettant de repérer les
lieux sans appareil photographique, évitant de commettre ces souvent
compulsives et décevantes toutes premières photos. Mais assez
rapidement, après avoir parcouru le terrain en tous sens, matin et soir,
il devient possible de programmer les prises de vues en cernant les
heures et les météorologies les plus favorables, s’apercevant parfois
qu’il faudra revenir sur place, au mètre près, le lendemain mais un
quart d’heure plus tôt voire même l’année suivante mais une
semaine plus tôt.
En sachant attendre, attendre…
Puis opérer très vite, puisqu’à ces heures extrêmes, les conditions
favorables pour une photo ne sont guère réunies pendant plus d’un quart
d’heure. En se déplaçant, en évitant les fatales traces de pas dans la
rosée et la neige ou les bruyants graviers pour ne pas troubler un
jardin qui dort… afin d’y surprendre un chevreuil ou un renard humant
l’air frais.
Le décor d’un jardin est
planté, en général immuable, à l’échelle de quelques jours. Il ne s’y
passe rien de notable du matin au soir, hormis l’épanouissement des
fleurs et la course du soleil et des nuages. Ce sont donc ces derniers
qui ont guidé mes prises de vues en me permettant de capter ces
ambiances qui imprègnent chaque lieu.
Je livre donc ici
un peu des coulisses de chaque jardin, c'est-à-dire des moments rares
inconnus du public.
Puisse mon
travail donner au spectateur l’envie de visiter des jardins, et - qui
sait ? - d’en dessiner un…
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My work on the gardens of
the world
features gardens of all styles and periods, with special attention
to the art of gardening, in its most artistic expression. It takes
me to places where « plants serve gardens more than gardens serve
plants ». Throughout my career, I have photographed hundreds of
gardens spread over twenty-two countries on five continents.
Thus I enjoy a globe-trotter’s privilege in visiting gardens
according to my preference, whether they are famous or not, public
or private, generally quite important from a thematic point of view.
I often spend a long time there or come back several times to
photograph the grounds.
After a mutual agreement or eventual lengthy discussions, I work
with ease, that is to say freely, since because my hosts trust me
and show interest in what I do. The working conditions are ideal
since I feel « at home » and can go back and forth. I am often the
first one to arrive and the last one to leave the garden. I work «
when dawn unfurls its white light over the countryside » and also at
dusk, « in the quiet of the evening when lions leave their lairs »,
to quote Victor Hugo’s famous verses.
Panoramic format is best to show the garden’s architecture. When I
frame my photographs, I strive to translate the beauty of settings
and harmony of shapes, colours and lights more than botanics.
Photographing a garden, surprisingly enough, always obeys the same
rules, wherever the garden is located. First, it takes a perfect
knowledge of the location (paths, perspectives, etc.) and sunlight which enhances a specific part of the garden, depending of the time
of the day. I get upset frequently because I feel I should have
arrived the day before or, if the light is poor, I know that I
should stroll leisurely through the garden without a camera, rather
than shooting pictures compulsively and be disappointed later on.
However, after a thorough walk through the grounds, it is possible
to take good pictures quite rapidly, if one selects the most
favorable hour and weather forecast. Sometimes, I find out that I
need to come back exactly at the same spot the next day, but fifteen
minutes sooner, or worse, the next year but a week earlier. Of
course I know how to take advantages of all magnificent surprises
coming from the sky (big storms, sunbeams after the rain...).
I must wait and wait again… then work quickly because, at these
ungodly hours, the best conditions to shoot last no longer than
fifteen minutes. When I move around, I avoid leaving unsightly
footprints on wet grass or in the snow. I am careful not to make
noise by walking on gravel. Indeed I do not wish to wake up the
sleeping nature because, by chance, I might catch a deer or a fox
sniffing the frosty morning air.
The decor of a garden is set to last, at least while I am there.
Nothing changes, except for flowers blossoming, sunshine and clouds
passing through the sky. Atmospheric effects guide my shooting and
allow me to capture the different ambiances that create the proper
mood.
My work is an invitation to follow me « back stage » so I can share
rare moments unknown to the public.
I hope that my work will give our readers the desire to visit
gardens and perhaps create one…
Translated by Dane McDowell,
author of the texts in « La France et ses jardins »
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